Jusqu’en 2010, ce qui occupait le plus clair du temps de Max Cooper, c’était la biologie. Engagé dans un doctorat qu’il devait mener à son terme, et auteur, depuis l’Université de Nottingham, d’une thèse en biologie computationnelle (ses recherches ont porté principalement sur la modélisation de l’évolution des réseaux de régulation génique), le Nord-irlandais (il est né à Belfast en 1980, mais habite à Londres) occupa même un poste post-doctoral en qualité de généticien à l’University College London. Lancé dans une profonde reconversion dès le début des années 2010, et désormais quasi exclusivement attaché à sa grande autre passion – la production de musique électronique, tendance electronica sensible et techno chaude -, Max Cooper ne laissera pour autant pas vraiment de côté, puisque cela est impossible, sa grande vocation première. Et en nourrira viscéralement sa musique. « C’était tellement intense qu’il était inconcevable de poursuivre mes recherches scientifiques tout en composant de la musique. Il fallait que je n’en fasse qu’un des deux à 100%. J’ai tranché pour la musique. Abandonner les sciences n’a pas été une décision facile et ça me manque parfois. C’est aussi l’origine de mes récents projets qui utilisent une partie de ce que je faisais en laboratoire et le mêle à mon amour pour les arts visuels. »
Dans Emergence, son précédent album paru en 2016 sur Mesh, le label qu’il venait tout juste de fonder, Max Cooper avait ainsi pour ambition de mettre la matière en musique, puis en images (à travers ses artworks, et ses lives), en racontant, rien que ça, la naissance de l’univers. Ses lives, notamment, et la scénographie qui les accompagnaient, avaient tout spécialement marqué les esprits.
« Une référence aux cent milliards de neurones contenus dans chacun de nos crânes »
Cette fois, avec One Hundred Billion Sparks, le troisième album studio de sa discographie, le producteur nord-irlandais met en musique ce qui se passe…à l’intérieur de nos crânes. Max Cooper, joint par mail :
« Le titre de l’album fait référence aux cent milliards de neurones contenus dans chacun de nos crânes. À eux seuls, ils ne sont qu’un groupe de cellules ramifiées, mais quand ils transmettent des informations en envoyant des changements de charge membranaire sur toute leur longueur, quelque chose de particulier se produit – nous, notre expérience, nos sentiments, nos souvenirs, nos identités, nous sommes créés par ces cent milliards d’étincelles. Je les ai appelées « étincelles » (« sparks » en Anglais, ndlr) parce que le porteur de la force électromagnétique qui fait transmettre ces signaux est le photon virtuel, ou lumière, donc dans un sens, il y a vraiment cent milliards d’étincelles (bien que pas toutes en même temps bien sûr, cela causerait une crise d’aspect). »
Ainsi, la pochette de l’album est, pour Max Cooper, une représentation de cette idée, et de ces innombrables fragments qui interagissent ensemble. Nos neurones, ainsi regroupés, créés une forme émergente, de la même manière que les couleurs et les structures ruissellent sur cet artwork proposé par le designer graphic Tyler Hobbs, habitué, lui aussi, à jongler avec les formes, les fragments, et les cellules qui, lorsqu’elles se rencontrent finissent parfois par ne plus faire qu’une.
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« Je suis un penseur visuel »
« Tyler utilise, visuellement, une approche générative dans laquelle il construit un système qui crée une variation avec des limites définies. Il m’a donc envoyé toute une série de produits génératifs différents que nous avons réduit pour cet artwork, tous très différents les uns des autres, mais avec des règles sous-jacentes similaires (comme des nuages ou des flocons de neige). J’avais d’abord parlé à Tyler de l’idée qui sous-tendait à l’album, et lui ai envoyé ma musique ainsi que tous les briefs vidéos qui accompagnent chacune des pistes de l’album – car chaque piste a son propre concept et une histoire visuelle qui lui est associée -. J’ai toujours fonctionné de cette manière : je suis un penseur visuel. »
Penser le son en même temps que l’image. La technique est rare pour un musicien, mais tend à devenir absolument indispensable et systématique dès lors que les résultats se sont avérés probants.
« Désormais, ma technique consiste à garder les idées visuelles à l’esprit dès le début de l’écriture de la musique. Je suis donc en quelque sorte en train d’écrire la musique d’un film qui n’existe pas encore. Chez moi, chacun de mes morceaux prend une forme physique, que je me représente déchiqueté, lisse, doux, texturé, audacieux, délicat, coloré…Quel que soit leur nature, je trouve toujours ça très naturel. Peut-être y a-t-il un soupçon de synesthésie qui se passe : j’ai de mes morceaux une représentation subtile. »
Le son
Pendant plusieurs semaines, Max Cooper s’est isolé du monde extérieur, afin de mieux pouvoir dialoguer avec le sien, celui qui demeure à l’intérieur de son lui. Passionné par le cheminement d’un cerveau dont il a fait l’objet principal de ce nouvel album, le Nord-Irlandais a laissé place à la subjectivité la plus totale et, sans mail ni téléphone, ni le contact de personne, a livré un album qui, logiquement, s’éloigne du club afin de rencontrer, plutôt, le domaine de l’electronica sensorielle et immersive. Toujours aussi sensible, la musique du producteur et intellectuel touche une nouvelle fois au sublime, et confirme une idée, peu en vogue : les musiques électroniques et la biologie peuvent, parfois, cohabiter en parfaite harmonie. Et permettre à la création de se sublimer davantage encore.
Max Cooper (Site officiel / Facebook / Instagram / Twitter / YouTube / Vimeo / Soundcloud)
Tyler Hobbs (Site officiel / Instagram)
Max Cooper, One Hundred Billion Sparks, 2018, Mesh, artwork par Tyler Hobbs
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